Finaliste 2021 : Thomas Morel-Fort

Texte

Donna, une vie de sacrifice philippine

> Série par Thomas Morel-Fort, finaliste 2021

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L'exil des femmes des pays en développement pour travailler pour des familles riches dans les pays riches est une tendance qui ne fait que s'accentuer au XXIe siècle. Avec près de 10 millions de Philippins vivant et travaillant à l'étranger, les Philippines sont considérées comme l'un des principaux pays exportateurs de main-d'œuvre au monde. Les transferts de fonds envoyés par cette diaspora représentent environ 10% du PIB. Mais à quel prix ?

 

En France, ils sont près de 50 000, dont 80% de femmes, les FILIPINAS, toutes employées de maison, une main-d'œuvre quasi invisible, exploitée par des employeurs qui bénéficient de l'immunité diplomatique et soumise à la précarité de leur statut de sans-papiers. Autant de vies en exil, autant de vies familiales sacrifiées pour améliorer la vie de ceux qui sont restés, et financer la scolarité et les études de leurs enfants pour un avenir enfin meilleur.

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Depuis six ans, Thomas Morel-Fort suit le parcours de Donna, et témoigne de ses conditions de travail dans des appartements parisiens, des moments de réconfort apportés par sa communauté et aussi du climat d'exploitation dans une villa de la Côte d'Azur. Pour cela le photographe a travaillé en immersion et s'est fait embaucher lui-même comme employé domestique en binôme avec Donna au sein de cette villa appartenant a une riche famille libyenne. 

 

Ensuite grâce au Prix Camille Lepage il a pu se rendre aux Philippines documenter la vie de la famille de Donna restée au pays. 

Donna, 42 ans, est issue d'une famille de paysans pauvres vivant dans un village rural dans les montagnes à 300 km de Manille. Ses parents ont toujours cultivé la terre. Elle s'est mariée très jeune et a 4 enfants. Elle rêvait de devenir infirmière mais s'est exilée pour payer les études de ses enfants. Avant d'arriver à Paris il y a 8 ans, elle a dû payer 13 000 euros à un passeur. Quand elle est arrivée à Paris, elle travaillait à plein temps pour une riche famille des pays du Golfe, et dans une villa sur la Côte d'Azur. Elle envoie tous ses revenus pour sa famille et les frais de scolarité de ses enfants. Aujourd'hui, c'est sa fille aînée, Nicole, 21 ans, qui a réussi à obtenir son diplôme d'infirmière, une grande fierté pour Donna.
Sans papiers, elle ne sait toujours pas quand elle pourra retourner aux Philippines. Cela fait 8 ans qu'elle n'a pas vu ses enfants et sa famille.

 

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Biographie 

 

TMF Thomas Morel-Fort 


Après des études à l'Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (INSAS) de Bruxelles et un parcours universitaire à la Sorbonne (licence de philosophie) et à la Sorbonne Nouvelle (licence de cinéma), Thomas Morel-Fort décide de se consacrer pleinement à la photographie.


Il travaille d'abord comme salarié du Parisien pour couvrir l'actualité nationale. Puis en tant que freelance sur des projets à long terme et sur des sujets internationaux.Ses travaux ont été publiés dans The Guardian, Le Monde, Der spiegel, 6mois... En 2015, sa série "Sport By Night" est finaliste du grand prix Life Framer sélectionné par Brian Paul Clamp.


En 2018, il a été récompensé du Prix de la photographie de l'année dans la catégorie "Humaniste" pour sa couverture du réfugié Rohingya. En 2019 , il a a reçu le Prix de la photographie de l'année dans la catégorie "Humaniste" pour sa couverture de la crise des "gilets jaunes". En 2019, il a reçu le Prix Camille Lepage à Visa pour l’Image (Perpignan), pour son projet à long terme sur les travailleurs domestiques philippins et pour aller aux Philippines rencontrer la famille de Donna. Pour le même projet, il est shortlisté pour le World Press Photo catégorie “Long Term Project”. 

www.thomasmorelfort.com

 

(photo portrait : Axelle de Russé / Studio Ambrotype)