Finaliste 2022 : Karen Assayag

Série "Ce qu’il reste au fond de moi" 
> Un travail réalisé en association étroite avec des femmes en situation de grande précarité.
Texte

De nombreuses femmes vivent dans une situation de grande précarité. A un moment de leur vie, parfois depuis l’enfance, elles ont subi des violences qui les ont amenées à se retrouver dans l’insécurité, l’instabilité et l’isolement. Certaines ont dû fuir leur entourage, leur conjoint, ou même leur pays. Perte d’emploi, mari violent, orientation sexuelle punie par la loi, séquestration, mariage forcé, maladie… les chocs vécus les mettent en situation d’exclusion passagère ou prolongée. Elles deviennent sans abri, sont hébergées par le 115 ou passent la nuit dans un Noctilien. Malgré tout, elles font preuve d’une grande résilience.

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K. Assayag

 

Comment reprendre un nouveau développement après une agonie psychique et/ou physique ? Lorsqu’une épreuve fracassante nous tombe dessus, nous avons le sentiment de frôler la mort, que c’est la fin de tout. Et pourtant… ces femmes ont décidé de ne pas rester prisonnières de ce chaos, et de vivre leur vie le moins mal possible.

Karen Assayag accompagne, depuis mars 2021, une quinzaine de femmes de 19 à 55 ans, en situation de grande précarité, accueillies au centre de jour de l’association Le Filon, à Paris. Elle y anime une activité créative, pour apporter à ces femmes un petit moment de joie, comme une parenthèse dans leur quotidien tumultueux. L’atelier se poursuit depuis plus d’un an, à raison de 2 séances par mois, et mêle photographie, peinture et écriture.

Le travail présenté mixe des photographies prises à l’appareil jetable par chaque femme, avec des portraits que la photographe a pris d’elles lors de sorties individuelles. Chaque femme photographie ce qu’elle souhaite révéler et partager de son quotidien, hors de l’accueil de jour, seule. En parallèle, Karen fait des portraits seule avec chacune, dans le lieu de son choix, le temps d’une journée toutes les deux. Par la suite, ces photographies sont imprimées, commentées, peintes dans un esprit collectif, de brassage, de partage, de croisement des regards. A travers l’atelier, modestement, elles ont mis un peu d’art à leur portée, les amenant un porter un regard différent et bienveillant sur elles-mêmes.

De ce travail émerge une certaine force qui émane de la personnalité et de la réalité du quotidien de ces femmes. Mais aussi de la couleur, de la joie, de la douceur dans le rapport à la féminité, de la détermination, de l’espoir. L’intention est de montrer qu’elles ne sont pas que des femmes en situation de grande précarité, mais qu’elles ont des ressources intérieures, une volonté de ne pas subir leur vie. Karen Assayag souhaite casser le cliché misérabiliste de la représentation de la grande précarité et raconter ce qu’il reste de beau au fond d’elles, malgré la dureté de leur vie.

Avec l’association et les femmes accompagnées, elles ont décidé de montrer enfin ce travail intime pour la première fois, en vue de créer un écho entre le monde et elles, de leur rendre leur légitimité, de les amener à se voir autrement et à être vues par le plus grand nombre.

-> Voir l'interview de Karen Assayag :  vidéo.

 

Biographie 

 

Karen Assayag est née à Casablanca, au Maroc. Elle y a vécu 17 ans avant de s'installer à Paris. Elle a travaillé en agence de communication pendant 11 ans, sur des problématiques sociales et de prévention santé. En 2012, elle décide de se consacrer exclusivement à la photographie et intègre l’agence Hans Lucas. 

Elle réalise des portraits et des séries documentaires. Elle développe aussi un travail créatif mêlant photographie et collages, photomontages, peinture. Elle met à profit cette approche créative lors des ateliers qu’elle anime dans les services pédopsychiatriques de l’hôpital Trousseau et Debré, et depuis un an auprès des femmes en situation d’exclusion via l’association Le Filon. 

Elle collabore avec la presse (portraits et illustrations conceptuelles en commande). Karen est finaliste de la Bourse du Talent Mode 2013. Elle a exposé au cinéma Le Louxor, à l'Espace Beaurepaire, à Photodoc, et lors de la Biennale des Photographes du Monde Arabe 2019. Son travail a été projeté à la Maison Européenne de la Photographie, au Festival Face à la Mer et aux Rencontres d’Arles.


->  hanslucas.com/kassayag